Cette maison abrita, selon certain, l’attirail de peinture du peintre. Elle existe toujours, rénovée mais l’environnement a bien sûr, beaucoup changé. Il ne faut pas sarrêter longtemps sur la bâtisse mais admirer surtout un arrière-plan à peine figuré dans les tons docre et de vert que Cezanne utilisera fréquemment à Gardanne.
Une vue resserrée permet une représentation très géométrique de Gardanne avec des teintes pastels. On voit souvent dans cette œuvre, qui n’est pas une aquarelle, les prémisses du cubisme, même s’il n’est pas certain que Braque ou Picasso l’aient vue à l’époque. On remarquera, aussi, le ciel, comparable à ceux de plusieurs tableaux de L’Estaque.
Ce Gardanne est vu à l’opposé des deux autres par rapport à l’église. On y remarque particulièrement, en bas à droite, ce qui parait une partie inachevée du tableaux. On ne peut pourtant croire que les ’blancs’ dans le reste de l’œuvre ne soient pas intentionnels. Bien au contraire, il donne une légèreté à la représentation, légèreté que l’on ne retrouve pas dans la vue horizontale du village. On voit, aussi, des zones de blanc dans la vue de la Sainte Victoire depuis le pont de Bayeux ou dans celles, ultérieures, peintes depuis les Lauves à Aix.
Ce tableau a été présenté pour la première fois en 1895, par le, futur grand, marchand d’art Ambroise Vollard. Depuis les critiques qu’avaient soulevés ses tableaux lors des expositions impressionnistes, le peintre s’était abstenu d’exposer. C’est suite à l’intermédiation de son fils, que Cezanne accepta d’exposer à nouveau. Comme toujours, l’opinion des critiques fut partagée mais la reconnaissance de l’artiste commençait cependant. Elle s’affirmera encore lors des Salons d’automne du début du vingtième siécle pour ne plus se démentir. Des trois vues du village de Gardanne, c’est la seule horizontale, ce qui, paradoxalement, accentue l’émergence verticale de l’église sur son promontoire.
Ce dessin est à rapprocher de lhuile ?Vue horizontale de Gardanne. Les deux œuvres, très comparables, témoignent de la fidélité de Cezanne à son motif. Le cadrage est ici plus resserré, les moulins à droite ne sont pas représentés, des arbres et des fenêtres manquent, mais la perception générale est la même.
Avec une aquarelle, lartiste nous montre Gardanne sous un autre angle. Lhorizontale du tablier du pont soppose aux verticales des arbres et du clocher. Ce pont et cette rivière, sujets centraux du tableau, ne sont-ils pas une réminiscence des bords de lArc à Aix ?
La description de ce hameau occupe toute la largeur du tableau mais l’on perçoit aussi la profondeur du paysage avec, en arrière-plan, une représentation frontale de la montagne, telle qu’on la voit vers Gardanne. On le sait, la Sainte-Victoire deviendra plus tard l’un des thèmes les plus récurrents de Cezanne, mais la vue sera devenue exclusivement latérale avec une interprétation, souvent assez libre de la montagne, contrastant avec celle, précise, que l’on admire ici.
Palette minimaliste pour ce tableau dans lequel dominent locre et le vert. Les maisons ne diminuent pas le sentiment de vide que provoque lœuvre avec ses arbres décharnés et une montagne bien peu présente.
L’Indicateur marseillais de 1886 indique dans sa section FINANCE que Jules Peyron est commis principal à cheval à Gardanne. Il habite à l’époque rue des aires et sera le témoin de mariage de Paul Cezanne avec Hortense Fiquet en avril 1886. Un autre témoin sera Jules Baret, cordier, propriétaire et habitant du 27 Cours Forbin à Gardanne où loge alors le peintre.
Si la masse de la Sainte-Victoire, est ici, beaucoup plus oppressive que dans le tableau du hameau de Peynet, on est frappé de la grande ressemblance des plis de la montagne, dans les deux tableaux. Et la vieille photo prise par Rewald montre plus encore, la fidélité au motif dont Cezanne était coutumier.
Un simple rideau, ouvert sur presque rien, est loccasion pour le peintre de nous montrer sa virtuosité dans le traitement des plis du tissus. On retrouve un rideau dans de nombreuses œuvres de Cezanne mais ils nen sont pas le sujet et la représentation nen est généralement pas aussi aboutie que dans ce tableau.
On croirait voir une aquarelle, il sagit pourtant dune huile, particulièrement éthérée grâce à de nombreuses zones de blanc. Si une Sainte-Victoire frontale est, encore ici, représentée, on retrouve également, le thème récurrent de la route tournante, exploité par le peintre dans une trentaine de vues de divers lieux.
Ce portrait, empreint dune austérité particulière avec la coiffure, la tenue et lexpression du modèle, montre Hortense Fiquet telle quelle était à Gardanne. Il vrai que cette période ne sera pas la plus heureuse pour elle, même si lartiste lépousa en 1986. Elle restait recluse à Gardanne, loin dune famille qui ne laimait pas.
Un autoportrait saisissant montre un peintre qui nous regarde du coin de lœil et semble défier le spectateur. Cezanne est-il si sûr de lui, qui habitera un temps à Aix alors quil a installé sa compagne à Gardanne. Face à une famille oppressante et une future femme bien froide, la peinture est son refuge. Et 1886, lannée de son mariage est aussi celle de sa brouille douloureuse avec Zola, lami denfance, mais surtout celle de la mort de son père.
A Gardanne, Paul fêtera ses treize ans. Le dessin, en pied, qui le représente montre un adolescent déjà sûr de lui. La suite ne démentira pas cette impression et Paul junior aura, plus tard, un grand rôle dans la commercialisation des œuvres de son père.
Le critique dart John Rewald, auteur dun catalogue raisonné des œuvres du peintre, vint en Provence, dans les années 1930, pour identifier les motifs du peintre. Cest lui qui situe ce tableau à Gardanne et le date après le séjour de Cezanne dans ce village. La montagne semble pourtant plutôt vue de louest mais elle ne joue ici quun rôle secondaire par rapport à lentrelac des lignes diagonales et aux couleurs déjà cubistes que lartiste utilise pour représenté un relief tourmenté.